Cantor, j'adore.
"Léo, j'ai besoin de ton aide là ... J'arrive pas à voir pourquoi, en dimension infinie, il y a pas de surjections de V dans V*... "
"Bah c'est tout simple. Il suffit d'utiliser la diagonale de Cantor. C'était vraiment super simple, tu construis une fonction [....]"
"Ah, oui ..."
Cette conversation a eu lieu il y a quelques jours, et je me suis rendu compte qu'on pouvait dériver cet argument quelques fois, tout simple mais il fallait y penser. Cet argument est quand même un indispensable de la démonstration en mathématiques, et il est utilisé pas mal de fois. L'idée est la suivante : On veut trouver un élément particulier d'un ensemble, qu'on va construire à partir d'une liste, pour obtenir certaines propriétés qui découleront de sa construction. On s'intéresse pour cela à la diagonale d'un ensemble, définie par toute les couples .
La non dénombrabilité de R
C'est la fois ou cet argument a été utilisé la première fois, par Cantor. Il fourni la preuve que n'est pas en bijection avec . (On va se contenter de montrer qu'il n'existe pas de surjection de dans . Soit une telle surjection. On va construire un élément de de . Si une telle surjection existe, alors il existe une suite tel que . En particulier, on va prendre le dévellopement décimale de chaque terme de la suite :
Par exemple, ..., ...., etc ... A présent, on va construire de la manière suivante : si , et sinon.
Une fois qu'on a construit notre nombre on constate qu'il appartient à et qu'en plus, il ne peut pas être dans la liste, puisque si on avait pour un certain i, on aurait notamment ce qui est impossible. Le nom de "diagonale" vient du fait que si on écrit dans un tableau les , ils représentent la diagonale du tableau (les indices ne sont pas les même mais on voit la diagonale qui apparait ) :
La non-dénombrabilité de l'ensembe triadique de Cantor
On prends le dévellopement en base 3 des éléments de C, on suppose qu'ils sont dénombrables et utilise exactement le même argument ! Tout simplement !
L'existence d'un nombre complexe transcendant de module 1
Supposons que pour les besoins d'un certain paradoxe d'un certain polonais (Oui ! Bien sûr, vous avez tous reconnu le paradoxe de Sierpinski-Mazurkiewicz !) on ait besoin d'un nombre complexe transcendant de module 1, autrement dit un nombre z qui ne soit solution d'aucun polynôme complexe rationnel, et de module 1.
(On va dire qu'ici, dénombrable signifie infini-dénombrable, donc en bijection avec ).
Si on définit , on voit bien que parcours l'ensemble des polynômes complexes rationnels de degré 1. C'est la réunion de deux ensembles dénombrables, donc dénombrable.
Si on définit de même manière , qui contient l'union possible des n couples de rationnels, on voit qu' peut être associé à l'ensemble des polynômes de degré n, et est dénombrable aussi. (En fait, toute union dénombrable d'ensemble dénombrable est dénombrable. Si on désigne par le j-ième élément de , On sait que est dénombrable, et il suffit pour chaque ensemble dénombrable d'associer le couple au couple . Ainsi, chaque élément possède un unique couple associé . Donc peut être mis en bijection avec , donc E est dénombrable.
Grâce à cet argument, on peut voir que l'union des est dénombrables.
A présent qu'on a une liste dénombrable des polynômes complexes rationnels, on a aussi une liste dénombrable de leur raçine ! Donc, en éliminant des doublons et en ne prenant que les nombres de module 1, on a obtenu LA suite des nombres algébrique de module 1 ! Eh oui, chouette suite n'est ce pas ?
Surtout qu'a présent, vous avez compris le principe, on va diagonaliser la suite, mais on va utiliser une petit astuce avant ... (Bah oui, qui nous dit que le nombre obtenu en "cantorisant" la suite sera aussi de module 1 ? ) En fait, on va utiliser une petite astuce, et considérer la bijection : . On va prendre notre suite des nombres algébriques de module 1, et prendre la suite correspondante tel que si on applique la méthode de la diagonale de Cantor à la suite , on peut exhiber un élément dont . En particulier, est un nombre complexe, de module 1 et transcendant. On a fini par le trouver !!
Le dual en dimension infinie
Pour détailler un peu le premier exemple, va prendre un K-espace vectoriel de dimension infini (chouette, un K-espace vectoriel de dimension infini !!). On considère son dual, . Le dual d'un espace vectoriel est l'ensemble des formes linéaires, autrement dit des applications . Le dual est aussi un espace vectoriel, et les vecteurs de sont ces mêmes applications. En dimension finie, et sont isomorphes (ça veut juste dire qu'ils ont la même dimension), mais seulement, quand on passe à la dimension infinie, ça ne marche plus ! devient beaucoup plus gros que , et il n'existe pas de surjection de dans ! Ici encore, l'argument de la diagonale de Cantor va nous sauver ! On va prendre une base arbitraire de , disons . On va aussi prendre une base arbitraire de , . On construit une fonction de la manière suivante : , i.e si est non nulle, et sinon. Ainsi, n'a pas de préimage, et donc il n'existe pas de surjection de vers .
Donc pour résumer ... La diagonale de Cantor, j'adore !!